lundi 2 mai 2011

Personnages et Scénographie

PERSONNAGES :

LA BONNE: Jeune femme d'environ 25 ans. Fraîchement débarquée dans sa nouvelle maison où elle semble être la seule domestique (bref la bonne à tout faire). Son caractère schizophrénique va se manifester à cause de l'usage abusif de la clochette de Madame.

MADAME : La maitresse de maison, oisive et autoritaire. Elle mène son mari par le bout du nez et sa bonne à la baguette...et à la clochette. Sa soudaine passion pour le jardinage va paraître à notre bonne très suspecte.

MONSIEUR : Un gentil Monsieur de prime abord...qui va révéler un petit travers qui tient beaucoup de la dépendance. Non, ce n'est pas l'alcool.

LA VOIX : Voix-off de la clochette. Celle-ci se manifestera pendant les périodes de rêves de la bonne. Insidieuse, perverse, elle la poussera à commettre l'irréparable.

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SCENOGRAPHIE

(Celle-ci est facultative et est donnée à titre d'indications)

EXTRAITS

La scène est vide à l’exception d’un porte-manteau à jardin et d’une petite table avec un fauteuil à cour. Une carafe d’eau et un verre sont disposés sur la petite table.
Deux rideaux jaunes séparent la scène en deux sur la profondeur.
Les entrées et sorties se font entre les meubles, derrière et devant les rideaux.

Acte 1 Scène 1
(Madame, la bonne)

Une femme d’environ 45 ans entre à cour en lisant un livre. Elle a une petite clochette dans l’autre main. Tranquillement, elle feuillette une page puis sans quitter sa lecture, elle va s’asseoir sur le fauteuil.

Elle agite soudain sa petite clochette…Ding
La bonne entre à jardin et traverse la scène derrière les rideaux jaunes, encombrée d’un seau à charbon.

LA BONNE – Un coup…il fait froid… plus de charbon.

Elle sort à cour. Un temps. La maitresse de maison, toujours sans quitter son livre des yeux agite de nouveau sa clochette.
Ding, ding. La bonne revient avec un panier de linge à cour. Même jeu

LA BONNE –Deux coups…le linge à étendre.

Elle sort à jardin. La maitresse de maison agite sa clochette trois fois. Ding, ding, ding.
La bonne revient avec un plumeau.

LA BONNE – Trois coups…La poussière…

Elle dépoussière les rideaux et le porte manteau avant de sortir à cour.
Même jeu. Quatre coups de clochette. Ding, ding, ding, ding.
Elle revient avec un petit chien en laisse.

LA BONNE – Quatre coups…Promener Mozart dans le parc.

Elle sort à Jardin.

La femme n’a pas bougé du fauteuil durant toute l’agitation. Elle tourne cérémonieusement la page puis regarde son verre à portée de main et agite cinq fois sa clochette. Ding, ding, ding, ding, ding.
La bonne revient sans le chien et va servir un verre d’eau à sa maitresse.

MADAME – (Avec un sourire pincé) Merci.

La bonne fait une courbette et s’éloigne.

LA BONNE – (Pour elle-même) Cinq coups… Abreuver la patronne.
MADAME – Ah ! Juliette ?
LA BONNE – Oui Madame ?
MADAME – Mozart a-t-il bien fait ses petites commissions dans le parc ?
LA BONNE – Oui, Madame.
MADAME – Combien de fois ?
LA BONNE – Deux fois sur le buisson en forme de lapin et une fois sur les pieds de la statue de Bacchus, Madame.
MADAME – Bien (La bonne commence à s’éloigner) Et pour la grosse commission ?
LA BONNE – Pardon Madame ?
MADAME – La grosse commission de Mozart.
LA BONNE – Ah ! Mozart a fait une jolie partition, Madame. Que Madame se rassure.
MADAME – (froide) Une jolie…partition ?
LA BONNE – Oui, Madame.
MADAME –Et je suppose que vous trouvez cela amusant ?

Un temps. Silence gêné de la bonne.

LA BONNE – Que Madame m’excuse…
MADAME –Juliette, vous n’êtes pas ici pour faire des jeux de bons mots mais pour, parmi tant d’autres travaux, sortir le chien dans le parc.
LA BONNE – Oui, Madame.
MADAME – Si vous n’en êtes pas capable, nous saurons nous passer de vos services. Suis-je assez claire ?
LA BONNE – Très claire, Madame.
MADAME – En êtes-vous capable ?
LA BONNE – J’en suis capable, Madame.
MADAME – Très bien. Allez vérifier (Regard étonné de la bonne) Allez vérifier ! Dans le parc !
LA BONNE – Que Madame m’excuse… mais vérifier quoi ?
MADAME – La consistance de la grosse commission de Mozart. Si elle est dure ou molle.

Un temps. La bonne fait une courbette et s’apprête à partir.

LA BONNE – Bien, Madame.
MADAME – C’est important, Juliette. Vous comprenez ? La pauvre bête a été malade la semaine dernière et le médecin m’a personnellement demandé de vérifier ses selles.
LA BONNE – Bien Madame. J’y vais de ce pas, Madame
MADAME – Vous toucherez du doigt….pour être sûre.

La bonne déglutit puis sort. Un long moment.
Madame finit son verre d’eau puis reprend sa lecture.
La bonne revient sur scène en s’essuyant le doigt avec un mouchoir.

LA BONNE – La commission de Mozart était dure, Madame.
MADAME – Dieu soit loué. Je craignais pour la santé de ce pauvre animal. Merci, Juliette. Veuillez aller nettoyer le bureau de Monsieur. Il y a toujours des papiers, des livres et des contrats qui traînent. Je ne sais comment mon mari arrive à s’y retrouver dans ce désordre.
LA BONNE – Bien Madame.

Elle s’apprête à ressortir. Madame fait retentir sa clochette cinq fois. Ding, ding, ding, ding, ding.
La bonne revient pour lui servir son verre, Madame la voit ranger son mouchoir et l’arrête avant qu’elle ait pu toucher la carafe.

MADAME – (Avec un sourire cruel) Laissez, je peux le faire finalement…Après le bureau de Monsieur, vous préparerez le déjeuner. (La bonne s’éloigne) Pensez à vous laver les mains…
LA BONNE – Bien Madame Monsieur ne rentre que ce soir comme d’habitude ?
MADAME – Oui. Comme d’habitude. Evitez de poser des questions aussi stupides. Depuis trois semaines que vous êtes là, vous devriez le savoir. De plus, nous dînons ce soir chez le préfet, vous n’aurez pas à préparer le repas.

La bonne fait une courbette et sort.

MADAME – (Pour elle-même) Tout de même, c’est insensé… Avons-nous déjà vu pareille empotée ?

Madame se sert un verre d’eau, boit une courte gorgée puis se lève en lisant son livre, avant de sortir à son tour. La clochette reste sur la petite table.

Acte 1 Scène 2
(La bonne, Madame)

La bonne revient avec son plumeau et se met à nettoyer les rideaux. Elle tourne la tête vers le petit salon et aperçoit le fauteuil vide.

LA BONNE – Trois semaines que je suis dans cette maison. Et je regrette déjà. J’aurais pourtant du me douter de la peau de vache qu’elle était.

Elle s’avance vers le fauteuil et commence à le dépoussiérer.

LA BONNE – Lorsque Madame est venue à la maison de placement, j’ai bien senti qu’elle allait m’en faire baver celle-ci. Six demeures en deux ans, des maitresses de maisons pas faciles mais ici c’est la pire. (Plus bas) Madame est une oisive de premier ordre, un vrai légume…Elle passe son temps à lire, à jouer de la musique et à gérer son argent. Enfin… son argent…Elle s’est enrichie grâce à son mari, très travailleur mais trop faible, trop dépendant et …trop amoureux. Un monsieur gentil, de prime abord, poli, attentionné… Mais elle… je me rappelle de notre entrevue.

Madame apparait avec un manteau et un boa en fourrure entre les rideaux jaunes. Elle se met à marcher dans cet espace de manière nonchalante.

MADAME – Etes-vous une bonne travailleuse ?
LA BONNE – (sursautant et regardant face public) Oui, Madame.
MADAME – Baissez les yeux quand je vous parle.
LA BONNE – (s’exécutant) Oui, Madame.
MADAME – Donc, vous êtes une bonne travailleuse.
LA BONNE –Oui, Madame.
MADAME – Elles ont toutes dit cela, mais à chaque fois j’ai été déçue. En quoi êtes-vous différente ?
LA BONNE –Je fais le ménage et la vaisselle, Madame.
MADAME – (Froidement) En quoi êtes-vous différente ?
LA BONNE –Je suis bonne cuisinière, je sais repriser les chaussettes et réparer les ourlets de robe bref faire la couture, Madame.
MADAME – (articulant froidement) En quoi êtes-vous différente ?
LA BONNE –Je sais tailler les rosiers, planter des choux, patates et des tas d’autres légumes, charger le bois dans la cheminée et le charbon dans le poêle, remplir les lampes à huile sans en renverser une goutte, ranger la vaisselle sans rien casser. Astiquer l’argenterie sans laisser une trace. Vider les pots de chambre sans rechigner. Aller au marché d’une bonne foulée…et…et je sais aussi m’occuper des chevaux.

Un temps.

MADAME – Nous n’avons pas de chevaux. Juste un adorable chien.
LA BONNE – (relevant brièvement la tête) Encore heureux qu’ils ne possédaient pas de chevaux. Rien que l’idée qu’ils aient put être malades me fait frémir…
MADAME –Impressionnante petite liste…mais encore ?

La bonne rebaisse la tête.

LA BONNE –Mais encore, Madame ?
MADAME – Mais encore ?
LA BONNE –Je n’ai pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil, à peine 4 heures par nuit, Madame.
MADAME – Etes-vous discrète ?
LA BONNE –Très discrète, Madame.
MADAME – Etes-vous zélée ?
LA BONNE –Très zélée, Madame.
MADAME – Etes-vous prompte à répondre au moindre coût de clochette ?
LA BONNE –Très prompte, Madame.

Un temps.

MADAME – Vos honoraires ? Deux cent francs par mois, c’est cela ?
LA BONNE –Oui, Madame.
MADAME –Vous devriez faire l’affaire…malgré vos tarifs exorbitants. Je vous prends à l’essai un mois. Vous commencez demain.

Elle sort. La bonne redresse la tête.

LA BONNE – (L’imitant) « Vous devriez faire l’affaire…malgré vos tarifs exorbitants. Je vous prends à l’essai un mois » ….on croit rêver. « Etes-vous prompte à répondre au moindre coût de clochette ? » (Un temps. Elle regarde sur la petite table) La clochette de Madame. Un coup, deux coups, trois coups, quatre coups….Chaque corvée a son nombre de tintements. Et le nombre de tintements ne signifie pas la même corvée selon que diffère l’heure de la journée. Bien sûr, c’est Madame qui ordonne mais certains jours, je jurerais n’entendre que cette clochette. Il m’arrive même d’en rêver la nuit … ding, ding, ding…ding, ding, ding… (Un temps) Je me suis levée dernièrement en pensant que Madame ou Monsieur avait besoin de mes services, mais non….

Elle tourne autour de la table et du fauteuil en dépoussiérant lentement. Elle s’arrête.

LA BONNE – Je me suis retrouvée en bonnet de nuit et robe de chambre, seule dans la maison tandis que mes maîtres dormaient à poings fermés. Et elle, elle était là…sur cette table. Ravie de m’avoir fait descendre….ding, ding, ding. L’horloge du salon a sonné trois heures du matin. Trois heures. (Plus bas) On dit souvent que trois heures c’est l’heure où les démons vous tourmentent. Tourmentée le jour par Madame, tourmentée la nuit par cette clochette, Madame, la clochette, Madame, la clochette de Madame…pour deux cent francs par mois.

Elle se met de nouveau à nettoyer les rideaux.

LA BONNE – Ah, ils m’ont bien baratiné à la maison de placements : « Vous serez dans les beaux quartiers, ne laissez pas passer votre chance ». Comme si j’avais le temps de visiter le quartier.

Acte 1 Scène 3
(La bonne, Monsieur, Madame)

On entend un piano et quelques gammes maladroites.
Un homme entre à jardin, la quarantaine, avec un pardessus et son haut de forme, un petit paquet cadeau sous le bras.

MONSIEUR - Bonsoir Juliette.
LA BONNE – Bonsoir Monsieur.

Elle s’est avancée. Il lui tend le paquet cadeau sans la regarder et enlève son chapeau et son pardessus qu’il accroche au portemanteau.

LA BONNE – Monsieur a-t-il passé une bonne journée ?
MONSIEUR - Oui merci. Madame est-elle là ?
LA BONNE – Dans le salon de musique. Madame a bien de la chance, Monsieur lui offre encore un cadeau.
MONSIEUR – (Ailleurs) Comment ? Oui…Oui…

Il lui reprend le petit cadeau et sort à cour derrière les rideaux. La bonne reste près du porte-manteau.

LA BONNE – (Pour-elle-même, face public). Un cadeau par semaine, j’ai compté depuis que je suis arrivée. C’est beau un homme amoureux. Toutes les femmes rêveraient d’être comblées ainsi par leurs maris….Imaginez…Madame, tendue d’impatience.
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